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Interview accordée par l’épouse de Tariq Ramadan

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Adresse originale : http://www.lexpress.mu/services/archive-2863---le-foulard-nest-pas-une-prison--.html

Propos recueillis par Isabelle Motchane-Brun
Référence : L’Express (de l’Île Maurice), 24 août 2003

Extrait :

Question à Iman Ramadan : Votre fille, qui a seize ans, porte (le voile). Le lui avez-vous imposé?

Réponse : Non, je n’aurais jamais pu ! C’est une décision qu’elle a prise seule. À partir du moment où l’on prend une décision, ce n’est plus une contrainte.

Titre original : Le voile n’est pas une prison

Islamologue et philosophe, votre mari est une personnalité en vue. Est-ce facile d’être l’épouse de Tariq Ramadan ?

Non pas toujours ! Au niveau privé, je suis heureuse et je ne regrette rien. Mais du point de vue de l’homme public, ce n’est pas facile parce qu’il est souvent absent et qu’il faut gérer cette absence. Mais je sais qu’il est utile ailleurs, et je lui reconnais une telle valeur que je trouverais égoïste de ne pas en faire profiter les autres. Mon rôle est d’essayer de trouver un équilibre entre sa vie familiale et sa vie publique. Et puis, ce n’est pas facile de vivre avec quelqu’un qui a beaucoup de qualités. C’est difficile pour sa propre confiance en soi. C’est encore plus vrai quand une femme ne travaille pas, qu’elle n’a pas de rôle social. La reconnaissance féminine est encore difficile.

Être une femme musulmane, qu’est-ce que ça veut dire de nos jours ?

C’est une femme qui essaye de vivre une spiritualité dans un monde qui n’est pas toujours prêt à l’accepter. Cela dit, on peut tout à fait vivre en tant que musulmane et avec son temps. Il s’agit de trouver un équilibre et cela demande une relecture de nos cultures. Je suis occidentale, mais pas forcément occidentalisée. L’islam m’a permis de prendre du recul. Avant, je vivais au jour le jour. J’étais catholique et croyante, mais pas pratiquante. Je n’avais pas besoin de donner une place à la religion.

Peut-on vivre l’islam au féminin dans un pays occidental ?

Ca ne pose pas de problème en soi. Le problème c’est la mauvaise compréhension que l’on a de l’islam. Ce ne sont pas ses principes qui nous empêchent de vivre, ce sont les gens qui ne comprennent pas. Pour vous donner un exemple, ce n’est pas facile de porter un foulard en Suisse et de trouver un job. J’ai préféré le garder, mais j’en paye le prix.

Le voile dérange les femmes non musulmanes. Peut-on être une « bonne » musulmane sans le porter ?

Oui bien sûr, mais… Le voile est fait pour faciliter la vie sociale, simplifier les relations, pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté. En islam, la femme ne l’utilise que quand elle sort. Et c’est vrai qu’il aide quand il s’insère dans une attitude générale. Les regards sont différents. Le foulard n’est pas une prison. Il permet de se libérer du regard des autres et des hommes en particulier.

Mais ce n’est qu’un attribut extérieur !

Non justement ! C’est un acte de foi. Le fait de porter un foulard est l’aboutissement d’un chemin spirituel. On peut en effet être pudique sans le porter. C’est une dimension difficile à expliquer. Elle fait partie du cœur. On est responsable de l’image que l’on donne de soi. Le message que l’on veut transmettre, c’est, regardez-moi pour ce que je suis réellement avant de voir mon corps. Dans l’islam, ça s’inscrit dans une soumission – mais jamais aveugle pour moi – aux principes. Si la femme le fait volontairement, elle sait ce qu’elle peut en retirer.

Cela vous a-t-il posé un problème de le porter ?

Pour une Européenne comme moi, c’était impensable ! Je dois avouer que ce qui m’a longtemps fait hésiter à me convertir, c’est le côté esthétique et vestimentaire. Il fallait que je me soumette à Dieu. Je pouvais le concevoir, mais il fallait que je sache pourquoi, et qu’il y ait un résultat. Ce n’est pas facile surtout quand on a un esprit critique. Quand j’ai lu le Coran, ça a été une grande révélation dans mon cœur, mais la tête résistait. Et il y avait la pression de mon entourage qui craignait que je m’enferme. Avant de me convertir, j’ai décidé de vivre pendant une année selon les rites de l’islam, avec les prières, le ramadan, etc. Je m’étais dit que si je constatais que cela ne me convenait pas, je ne prendrais pas le risque de me convertir. On a besoin de rationaliser. J’ai pu mettre un sens derrière ces pratiques. Si on les vit, elles n’ont pas le même sens.

Votre fille, qui a seize ans, le porte. Le lui avez-vous imposé ?

Non, je n’aurais jamais pu ! C’est une décision qu’elle a prise seule. À partir du moment où l’on prend une décision, ce n’est plus une contrainte. Chacun doit accomplir un cheminement pour choisir ensuite sa vie. Nous accompagnons nos enfants, leur donnons des pistes de réflexion, on leur explique notre chemin de vie, mais après ils font leurs choix. On les renvoie à eux-mêmes. Moi je suis convaincue que le choix que j’ai fait est bon pour moi. C’est ma vérité et j’espère que cela sera la leur. Mais même si je ne suis pas d’accord avec leur choix, j’essaierai de le respecter, parce que j’ai eu l’impression de ne pas être respectée dans mon choix. Mes parents n’avaient jamais fait grand cas de la religion, et brusquement, ça a été un drame. Je ne veux pas faire la même chose.

Votre mère est suisse, votre père français. Comment ont-ils réagi à votre conversion ?

Ils ont eu, tout comme mes amis, beaucoup de mal à l’accepter. ça a été assez houleux. J’ai dû partir de chez moi. Mais leur appréhension était tout à fait légitime. On a tellement l’impression que l’islam opprime les femmes. Mon père avait l’impression que je ne pourrais plus sortir, plus rire, plus rien faire.

En Afghanistan ou en Iran, par exemple, les femmes ne font pas ce qu’elles veulent.

C’est vrai qu’elles sont victimes et opprimées. Mais c’est une trahison du message de l’islam, de l’interprétation de la religion et de certains versets du Coran. Il ne faudrait pas juger l’islam à travers certaines pratiques musulmanes et certaines traditions. Je crois que la chance que j’ai eue d’être européenne et musulmane, c’est que l’on ne m’a pas renvoyé à des traditions et à des pratiques particulières, mais à des livres, aux principes de l’islam.

Vous militez dans une association, le Collectif des femmes musulmanes. Existe-t-il un féminisme musulman ?

Le féminisme musulman est un combat pour la reconnaissance et le respect des droits de la femme au nom de l’islam. La différence avec le féminisme tel qu’on le conçoit habituellement, c’est qu’on a l’impression que dans ce dernier, c’est la femme contre l’homme. L’idée, pour nous, c’est que chacun trouve sa place. Ce qu’on essaye de faire, c’est d’apprendre aux femmes à connaître leurs droits et aux hommes leurs devoirs et ne jamais oublier que l’objectif final est la coexistence positive dans laquelle chacun puisse s’épanouir. Au Collectif, on se bat pour changer l’image de la femme musulmane. Elle est perçue comme une femme qui reste à la maison, ne réfléchit pas, qui n’a pas de droits.

Quels sont les droits qu’accorde l’islam aux femmes ?

Par exemple, le droit de ne pas vouloir travailler. Dans ce cas, le mari a le devoir de subvenir à ses besoins. Le droit de pouvoir disposer de ses biens personnels. Si elle travaille, elle peut garder l’argent pour elle. Et c’est le droit d’être un être humain à part entière. Devant Dieu, elle est l’égale de l’homme.

Comment expliquez-vous qu’ils soient bafoués ?

Parce que les principes islamiques ne sont pas respectés. Les hommes utilisent certains versets du Coran ou certaines traditions islamiques pour assurer leurs intérêts. Et surtout, les femmes ne connaissent pas leurs droits. Il faut qu’elles prennent leur destin en main, qu’elles s’éduquent. Elles ont tendance parfois à rester dans le rôle de la victime, dans lequel on trouve un certain confort, une certaine paresse. Il faut qu’elles sortent de ce schéma.

Que pensez-vous de la polygamie ?


Une exception à une règle ! La norme, c’est la monogamie. La polygamie peut être une solution à un moment donné. Par exemple, à l’époque du Prophète, beaucoup d’hommes mouraient dans des batailles et il y avait trop de femmes. Mais si toutes les conditions sont respectées – entre autres, traiter exactement de la même manière chaque épouse – cela rend la polygamie presque impossible.

Vous l’accepteriez ?


Non ! Mais vous savez, dans son contrat de mariage, la femme peut stipuler qu’elle ne veut pas d’un second mariage. Une fois de plus la religion est manipulée et les femmes ne connaissent pas leurs droits. Si chaque femme refusait la polygamie, celle-ci n’existerait plus !


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